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Comment les entreprises françaises vont gérer la sortie des USA de l’accord avec l’Iran?

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« Ceux qui font des affaires en Iran auront un délai pour pouvoir défaire leurs engagements. Ceux qui n’auront pas renoncé à leurs activités impliquant l’Iran à la fin de ce délai s’exposeront à de graves conséquences. » En annonçant, mardi 8 mai, son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, le président des Etats-Unis Donald Trump a été très clair. Plus question pour les entreprises occidentales de faire des affaires avec la République islamique.

 

Retrait américain sur le nucléaire iranien : l’inquiétude des entreprises françaises

 

La décision du président Donald Trump est un choc pour les sociétés hexagonales. La France est l’un des premiers investisseurs dans la République islamique.

Par Philippe Jacqué, Service économie|11 mai 2018

« Ceux qui font des affaires en Iran auront un délai pour pouvoir défaire leurs engagements. Ceux qui n’auront pas renoncé à leurs activités impliquant l’Iran à la fin de ce délai s’exposeront à de graves conséquences. » En annonçant, mardi 8 mai, son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, le président des Etats-Unis Donald Trump a été très clair. Plus question pour les entreprises occidentales de faire des affaires avec la République islamique.

Pour les sociétés françaises, il s’agit d’une véritable douche froide. Depuis 2015, et la signature de l’accord international sur le programme nucléaire iranien, la France était l’un des premiers investisseurs en Iran. Pas moins de 2,5 milliards d’euros ont été investis par des multinationales comme des PME hexagonales, tandis que la France est son 8e partenaire commercial…

De PSA et Renault à Total, en passant par de nombreux grands groupes (Accor, Bel, Decathlon, Ipsen, Sanofi, Vinci, etc.), beaucoup ont profité depuis trois ans de l’arrêt du régime de sanctions précédent pour s’y implanter ou se positionner. Dès mercredi, la France a annoncé par un communiqué de l’Elysée que tout allait être fait « pour protéger les intérêts des entreprises » européennes en Iran. Le texte précise que l’Union européenne compte mener « des négociations serrées » avec les Etats-Unis.

Total avait anticipé

« Nous allons tout faire, en lien avec nos entreprises, pour défendre et protéger leurs intérêts et maintenir les effets incitatifs de l’accord », a précisé l’Elysée. Pour l’instant, personne ne connaît exactement les effets des décisions américaines. « Nous étudions toujours aujourd’hui les implications générales et financières de ce discours de M. Trump. Nous ferons tout pour conserver un flux d’activité fort, notamment dans le cadre de l’automobile », indique une source gouvernementale.

« Comme l’ensemble des acteurs économiques, nous suivons l’évolution de ce sujet, y compris la position officielle de l’Union européenne sur ce dossier, que nous espérons singulière », commentait, mercredi, PSA. « Si l’Elysée veut aider les entreprises françaises, il va falloir aller au-delà des déclarations, relève-t-on cependant dans le patronat, relativement pessimiste. Il faut mettre en place des outils… qui restent à inventer. »

« Depuis leur retour en Iran, les entreprises françaises avaient mis en place dans leurs contrats des clauses dites “snap back” [littéralement « refermer brusquement »] en cas de modification de l’accord international, indique Alexandre Ebtedaei, du cabinet d’avocats FTPA. En clair, elles pourront récupérer une partie des moyens investis si elles doivent partir. »

L’impact sur les sociétés variera selon leur engagement dans le pays. Chez Airbus, la commande d’une centaine d’avions par Iran Air, ainsi que des protocoles d’accord pour la livraison de plus de 70 appareils à d’autres sociétés iraniennes, va sans aucun doute être arrêtée. « Pour l’instant, seuls trois avions ont été livrés », indique-t-on chez l’avionneur. Mais cela ne devrait pas aller beaucoup plus loin, « à moins que du jour au lendemain on remplace tous les composants américains dans les avions européens », glisse un connaisseur. Airbus dispose d’un carnet de commandes de 7 000 avions dans le monde entier, l’annulation de 100 commandes devrait être supportable.

Pour Total, les risques avaient été mesurés d’emblée. En 2016, le pétrolier français s’était associé au chinois CNPC et à la compagnie nationale iranienne pour développer l’immense champ gazier de South Pars, soit un contrat de 2 milliards de dollars (1,75 milliard d’euros) pour la première phase du chantier.

Depuis plusieurs mois, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, anticipait une décision négative de Donald Trump et demandait dans ce cas une exemption pour ce projet, signé en toute légalité alors que l’accord était encore actif. « Les Américains avaient accepté des dérogations dans les années 1990, notamment sur notre projet gazier », expliquait ainsi M. Pouyanné au Monde en février.

Pour l’automobile la problématique est aiguë

L’administration américaine ne semble pas aujourd’hui prête à ce type de compromis. Dans ce cas, explique le groupe français, « si Total se retire, nos accords prévoient que les chinois de CNPC puissent reprendre la participation et poursuivre seul le projet ». A ce jour, le groupe assure n’avoir pas investi plus de 100 millions de dollars.

« Pour Total, le groupe va sans doute s’en sortir financièrement, mais c’est un coup très dur pour l’ensemble des sous-traitants français, dans l’ingénierie et le parapétrolier qui accompagnaient le projet », estime un bon connaisseur du marché iranien.

Dans l’automobile, la problématique est encore plus aiguë pour les constructeurs, comme pour leurs sous-traitants hexagonaux qui prospectent depuis plusieurs années dans le pays. Le plus à risque est aujourd’hui PSA, qui détient un tiers du marché automobile iranien. Avec 446 000 véhicules écoulés en 2017, ce pays assure 13 % de ses volumes mondiaux.

Depuis 2015, le groupe français a annoncé son intention d’investir 1 milliard d’euros sur cinq ans, pour l’établissement de deux coentreprises, qui exploitent des usines à Téhéran et Kashan, de nouveaux réseaux commerciaux et le lancement de véhicules modernes localement. Pour Renault, la décision de M. Trump est également un coup d’arrêt, alors qu’il s’était vendu 160 000 véhicules siglés du losange en 2017.

Pourraient-ils rester malgré les sanctions, sachant qu’ils ne sont pas présents aux Etats-Unis ? « Ce serait un risque, juge un avocat d’affaires. Quand vous modernisez ou créez des lignes de production, vous devez importer des robots, des outillages et des matières premières d’ailleurs et travailler avec des sous-traitants. Et si la moindre facture est rédigée par un ordinateur qui détient ne serait-ce qu’un processeur développé aux Etats-Unis, vous êtes passibles de sanctions… »

Les pistes des Européens pour agir

Les Européens réfléchissaient, ces derniers jours, au moyen de préserver au mieux leurs entreprises du rétablissement des sanctions américaines à l’encontre de l’Iran. Traitant en dollars avec les Iraniens, et tombant sous le coup des interdictions américaines de commercer avec Téhéran, elles pourraient être affectées. La priorité, côté européen, était de décrocher des exemptions pour leurs sociétés auprès de Washington. Une réflexion est aussi en cours sur une éventuelle saisie de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la décision unilatérale américaine.

A Paris, on songe surtout à la possibilité de réviser un règlement européen de 1996 ayant, déjà, pour but « d’assurer une protection contre l’application extraterritoriale des lois [de pays tiers] et contre les actions fondées sur elles ou en découlant, ainsi que d’en contrecarrer les effets ». Mais en élargissant sa portée aux nouvelles décisions américaines sur l’Iran : le règlement prend en compte des décisions de sanctions américaines contre Cuba ou l’Iran, qui datent des années 1990.

 

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