Christian Lacroix a mis en scène l’exposition sur l’Iran au Louvre-Lens

Le couturier met en scène magnifiquement l’exposition « L’empire des roses, chefs-d’œuvre de l’art persan du XIXe siècle ».

Au Louvre-Lens, l’Iran rêvé de Christian Lacroix

Le Parisien|Culture & Loisirs|Yves Jaeglé| 15 avril 2018, 18h36 |
Photo : France Televisions

« L’empire des roses, chefs-d’œuvre de l’art persan du XIXe siècle », présenté au Louvre Lens, révèle pour la première fois l’excentrique voire extravagante dynastie Qajar, qui a régné sur l’empire perse de 1786 à 1925, avant d’être balayée par la famille Pahlavi, qui donnera à l’Iran ses deux derniers Shahs, jusqu’à l’avènement de la révolution islamique en 1979. Fini ces dépenses somptuaires.

Que de fastes chez les Qajars qui ne juraient que par Versailles, ses lustres rococo, ses couronnes comme celle offerte à la reine d’Angleterre Victoria par ses meilleurs joailliers, ses miroirs, dont ils ont reproduit à Téhéran et ailleurs les palais enchantés, version orientale.

Voyager chez les Qajars

Ces folies ont tapé dans l’œil de Christian Lacroix, qui signe plus que la scénographie, une vraie mise en scène de ces palais iraniens d’antan. « J’aime bien ce qui est flamboyant, justifie le couturier reconverti dans les costumes de théâtre et les décors d’expositions. Je suis attiré par le va-et-vient des périodes composites entre Orient et Occident, si manifeste chez les Qajars. Ce n’est pas si loin de nous : certains portraits me font penser aux Arlésiennes, aux vieilles figures de ma région, la Camargue. Ma devise a toujours été : trop, c’est juste assez. Avec cet Iran-là, je suis servi. Je n’y suis jamais allé mais je l’ai rêvé. Déjà comme couturier, je m’inspirais de ces broderies et ornements ».

Car un tableau qajar ne se réduit pas à une peinture : les broderies apparaissent en effet sur la toile. Ces tapis incandescents dissimulent des portraits très modernes. « Les liens avec l’Europe sont extrêmement forts tout au long du XIXe siècle », rappelle Gwenaëlle Fellinger, commissaire de l’exposition et l’une des rares spécialistes du sujet. Elle a choisi des robes et tenues masculines d’apparat, des coffres ou tabatières, des épées, des statuettes d’animaux déifiés comme le lion, des tapis qui semblent volants dans cet univers des mille et une nuits, des instruments de musique, pour nous faire voyager dans cet art qajar qui a fait entrer l’Iran dans la modernité.

« Il y a un préjugé très fort selon lequel l’art islamique se serait arrêté au Moyen Age. Et selon un autre préjugé, l’esthétique compliquée des Qajars, c’est moche et trop kitsch… », sourit l’experte. C’est beau et baroque voire bien barré comme ces femmes qui se maquillent d’une moustache avec du noir comme on soulignerait des sourcils, ces décors surchargés…

Des œuvres aussi prêtées à Téhéran

Une civilisation proche d’un bazar féerique, mais avec une gravité dans ces portraits de shahs qui nous feraient presque sourire avec leurs interminables barbes ou moustaches si l’on n’y distinguait une volonté absolue d’entrer dans l’histoire, celle de l’art surtout.

« Il n’y avait jamais eu de synthèse sur eux », ajoute Gwenaëlle Fellinger. Cet Iran contemporain de Baudelaire et Rimbaud, aussi poétique, nous fascine. Et cette exposition a été rendue possible par un rapprochement entre le Louvre et l’Iran. Le musée français a prêté des œuvres à Téhéran pour y montrer ses collections, et les Iraniens ont prêté à Lens leurs trésors Qajars. « L’art décoratif a autant de valeur que le grand art », justifie Christian Lacroix. L’opulence des salles de son palais rêvé, auquel il a donné les couleurs les plus vives, lui donne raison.

« L’empire des roses, chefs-d’œuvre de l’art persan du XIXe siècle », Louvre-Lens (Pas-de-Calais), 10h-18h sauf mardi, gratuit moins de 18 ans, 5-10€, jusqu’au 23 juillet, www.louvrelens.fr

 

 

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