Ardavan Amir-Aslani, “le vrai objectif de Trump : renverser le régime iranien”

En annonçant son retrait de l’accord de Vienne mardi 8 mai, Donald Trump a non seulement choisi de rétablir l’intégralité des sanctions levées à l’encontre de l’Iran, mais il en a annoncé d’autres encore plus sévères et a menacé les entreprises américaines et européennes de représailles si elles choisissaient de faire des affaires avec Téhéran.

LE CERCLE/POINT DE VUE – En se retirant de l’accord de 2015, le président américain dissimule à peine que son objectif in fine est d’obtenir un changement de régime en Iran, en fragilisant encore un peu plus son économie.

Alors que l’Iran respectait ses propres engagements, attitude confirmée d’ailleurs par l’AIEA dans onze rapports successifs, et plus récemment encore par la voix de son président, Yukiya Amano, les Etats-Unis ont délibérément choisi de ne pas respecter les leurs, ce qui les isole de fait sur la scène internationale. Aucun des signataires de l’accord ne les a suivis dans cette décision, applaudie uniquement par l’Arabie saoudite et Israël, leurs alliés traditionnels.
On le sait, le président américain n’a de cesse qu’il n’ait démantelé l’héritage de son prédécesseur, Barack Obama. Mais en « déchirant l’accord », il dissimule à peine que son objectif in fine est d’obtenir un changement de régime en Iran, en fragilisant encore un peu plus son économie. Le processus est cependant à l’oeuvre depuis 2016.

Les difficultés s’accumulent

En juillet 2015, le cabinet de conseil international McKinsey prévoyait 1.000 milliards de dollars d’investissements en Iran sur vingt ans. Or, presque trois ans après la signature de l’accord, l’Iran n’a reçu que 10 milliards sur les 200 milliards annoncés. Car malgré la levée des premières sanctions internationales liées au nucléaire, les Américains ont maintenu celles antérieures à l’accord de 2015, imposées à l’Iran par rapport au non-respect des droits de l’homme et au soutien allégué au terrorisme. Par crainte d’éventuelles représailles américaines, aucune banque n’a souhaité se porter garante pour financer de grands projets.

Les difficultés économiques et politiques s’accumulent donc pour l’Iran, déjà confronté à une grave sécheresse depuis cinq ans et à une dévaluation de 40 % de sa monnaie face au dollar ces trois derniers mois. La « trahison » américaine renforce, de surcroît, les conservateurs dans le conflit qui les oppose au président modéré Hassan Rohani, ces derniers estimant que l’Iran a eu tort d’accepter les termes de l’accord de Vienne et d’abandonner près de 100 milliards de dollars d’investissements réalisés dans le nucléaire.

La population iranienne n’est pas loin de penser la même chose. Que ce soit sur le dossier nucléaire ou sur le plan des libertés civiles, avec la fermeture de l’application Telegram, Rohani n’a rien pu, ou su, empêcher. Le moral des Iraniens est si sombre que des chauffeurs de taxi aux chefs d’entreprise, nombreux sont ceux qui envisagent de s’expatrier à l’étranger.

Les Européens offrent leur aide pour maintenir l’accord de Vienne. Mais en quoi leur soutien aujourd’hui serait-il plus efficace qu’hier, surtout face à la menace de sanctions économiques américaines sur leurs entreprises ?

Les Américains souhaitent, en outre, interdire à jamais à l’Iran d’enrichir de l’uranium – ce qui en ferait le seul pays au monde à subir une telle atteinte à sa souveraineté nationale -, mettre sous tutelle le développement de ses missiles balistiques, et le forcer à retirer ses forces armées du Moyen-Orient.

Reconfiguration politique

Car après la victoire contre l’ennemi commun Daech, où l’implication militaire de l’Iran était alors considérée comme légitime, c’est bien le maintien des forces iraniennes en Syrie et en Irak, pour soutenir les régimes en place et créer de nouvelles bases militaires, qui pose problème à Washington. Cette reconfiguration géopolitique fait en effet de l’Iran le voisin direct d’Israël, avec au nord le Hezbollah, qui a, en plus, remporté les élections parlementaires au Liban il y a trois jours ; avec au sud Gaza, devenue un allié iranien dans le monde arabe sunnite ; enfin, avec la menace iranienne sur le Golan.

A l’aune de ce que les Américains ont démontré en termes de respect de la parole donnée, un nouvel accord est-il réellement possible et tenable ? Compte tenu des enjeux et de sa propre situation, la négociation, si elle reste la seule solution envisageable, risque d’être extrêmement complexe pour l’Iran.

Ardavan Amir-Aslani est avocat et auteur du livre «De la Perse à l’Iran » aux éditions de l’Archipel

 

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