Hoda Sadough
Les Iraniens furent sans doute les premiers créateurs du Bâd-gîr, signifiant capteur de vent en persan. Cet élément traditionnel de l’architecture fut très utilisé pendant des siècles afin de supporter l’étouffante chaleur estivale des régions les plus désertiques du pays. Etant donné son efficacité pour rafraîchir les maisons, les Iraniens l’intégrèrent dans leur habitat, ce qui induit le développement rapide d’un mode d’architecture propre aux provinces méridionales et centrales de l’Iran. Au fur et à mesure de l’augmentation du nombre des tours de vent, les Iraniens développaient davantage leur aspect esthétique en les ornant de briques décoratives et en créant des ouvertures en forme de jolis arcs.
Il faut également souligner que la ville antique de Yazd est connue en tant que “Ville des capteurs de vent” du fait de l’important nombre de Bâdgîr que l’on y trouve. Le jardin historique de cette ville nommé “bâgh-e-dôlat-âbâd” (le jardin de Dôlat-âbâd) est aussi célèbre car il abrite le plus haut Bâdgîr du monde dont la colonne octogonale atteint une hauteur de 34 mètres.
Conscient des impacts nocifs et polluants des nouvelles technologies pour l’environnement, il est intéressant de constater aujourd’hui un regain d’intérêt pour les initiatives de certaines civilisations anciennes pour maîtriser la nature ou dominer ses contraintes.
A ce titre, de nombreux écologistes contemporains parlent de la nécessité de construire des villes écologiques.
Or le système du Bâdgîr peut-il avoir un rôle dans cette vision renouvelée de l’environnement ? Cela semble être confirmé par les études menées dans le cadre de l’architecture écologique, qui met l’accent sur le mode de construction du Bâdgîr dans ses différentes formes initiales. Ce nouveau domaine de l’architecture permettant la construction des maisons écologiques reprend les “règles de l’art” de l’architecture ancienne. Elle intègre au mieux les maisons dans leur environnement et s’attache tout particulièrement à respecter l’orientation la plus favorable pour la ventilation naturelle et l’ensoleillement. En d’autres termes, elle vise à adapter le projet immobilier à son environnement, malgré les conditions climatiques difficiles qu’il nous offre.
L’architecture du Bâdgîr
Les Bâdgîrs étaient généralement construits en forme de polygone régulier, notamment de tétragone et d’octogone. La hauteur de la colonne devait être supérieure à celle des autres éléments du toit et il fallait les faire remonter juste au-dessus du la “chambre du bassin”. Au milieu de cette chambre se trouvait un ou plusieurs réservoirs d’eau établissant la connexion entre l’arrière cour et les chambres estivales.
En examinant le mécanisme des tours de vent, on constate que nos actuels refroidisseurs hydriques fonctionnent de la même manière.
Chaque fois qu’un faible souffle de vent passe à travers le sommet du capteur de vent, la différence de hauteur crée une faible différence de pression entre la base et le sommet de la colonne interne du Bâdgîr. La différence de pression aide l’air chaud à remonter vers le sommet et à amener de l’air frais vers le bas de la colonne. D’autre part, la division de la colonne interne par des cloisons et des rideaux de briques accélère non seulement le déplacement de l’air, mais implique également sa diffusion jusqu’au bout de la colonne.
Une fois que l’air a traversé la longueur, il entre en contact avec l’eau du bassin, située en dessous. Dès lors, l’eau entre en contact avec la chaleur de l’air et s’évapore. Cet échange de chaleur se traduit par une baisse considérable de la température de l’air qui est ensuite acheminé vers les chambres estivales. Pour les plus riches, la chambre du bassin était un espace fermé et séparé des chambres estivales, qui disposaient d’orifices semblables aux canaux de refroidissement intérieur ; ainsi, l’air frais était conduit là où l’on voulait.
En outre, le Bâdgîr était également employé dans les “yakhtchâl” ou refroidisseurs naturels pour le stockage de la glace mais aussi parfois de la nourriture. Un yakhtchâl, signifiant “stockage de glace”, est un réfrigérateur ancien. Cette structure était un grand espace enterré jusqu’à 5000m3 qui avait des murs d’au moins deux mètres d’épaisseur à la base faite avec une mixture totalement imperméable. Cet espace était souvent relié à une source d’eau et possédait aussi souvent un Bâdgîr qui pouvait facilement rafraîchir les différentes pièces pendant les jours d’été.
Le Bâdgîr et le climat
En général, les plus hauts Bâdgîrs étaient construits en forme d’octogone et de tétragone, tandis que les plus courts avait une seule ouverture orientée contre le courant d’air.
En effet, dans les régions au climat désertique, le vent déplace les dunes mouvantes. Dès lors, les poussières s’élèvent très haut dans le ciel et sont ainsi facilement prises dans les courants traversant les régions et les zones encore non conquises par le désert. Cela explique pourquoi les tours de vent de ces régions n’ont qu’une seule ouverture orientée inversement au sens des vents désertiques, ce qui décroît considérablement la pénétration des poussières à l’intérieur de l’édifice. D’autre part, un espace constituant une sorte de “bouclier” qui avait pour rôle de ralentir le courant d’air et de filtrer la poussière était prévu dans la colonne interne.
La forme multilatérale prise par d’autres Bâdgîrs convient davantage aux régions où les courants d’air ont divers sens, du nord au sud et de l’est à l’ouest.
Par ailleurs, les capteurs de vent octogonaux sont très efficients en raison de leur périmètre quasiment circulaire, qui facilite le captage de vent quel que soit sa direction.
La différence entre les Bâdgîrs de Yazd et de Meybod
Située seulement à 50 km de la ville de Yazd, la ville de Meybod a une architecture différente de celle de Yazd. Ainsi, la diversité des courants d’air dans ces deux régions et la situation morphokilométrique se reflète dans la construction de leurs Bâdgîrs. En effet, la ville de Yazd est située en plein désert et entourée de deux chaînes de montagnes qui la protègent relativement des typhons désertiques. En raison de cette particularité, les Bâdgîrs de cette ville furent construits en octogone, ayant une hauteur remarquable de 15 à 18 mètres.
Par contre, les Bâdgîrs de Meybod, exposés directement aux courants d’air très intenses, sont de faible hauteur et n’ont qu’une seule ouverture.
Un autre emploi non négligeable des capteurs de vent est “l’effet de cheminée”. Dans la journée, au moment où l’air ne se déplace pas facilement ou qu’il souffle dans le sens opposé des orifices de la colonne, la chaleur s’échappe de l’intérieur du bâtiment à travers le canal du Bâdgîr et entraîne donc une circulation de l’air douce et rafraîchissante.
On bénéficie de cet effet pour renforcer l’efficacité des Bâdgîrs. Il faut alors ajouter un à trois autres Bâdgîrs au principal ayant des ouvertures dans des directions autres que celle du vent – seules les ouvertures du principal demeurant orientées vers le vent. Ce dernier sera ainsi introduit par les orifices du Bâdgîr principal et l’air chaud de l’intérieur s’échappera simultanément par les trois autres colonnes dont les canaux sont divisés en quatre sections en forme de croix.
Une autre particularité concerne la consolidation de la tour du vent vis-à-vis de la pression du vent. Cet objectif était atteint en construisant des échafaudages le long du corps du Bâdgîr dont l’extrémité dépassait des deux côtés de la colonne et servait aussi lors de sa restauration.
Une étude de faisabilité était indispensable avant la construction des Bâdgîrs. Cette étude concernait particulièrement la hauteur de la tour, le nombre d’orifices, l’espace à climatiser et la direction des vents. Commettre la moindre erreur dans ces évaluations pouvait aboutir à des effets opposés à l’objectif initial et entraîner notamment l’entrée de la poussière et de l’air chaud au sein des maisons.
Enfin, il convient d’indiquer que nous ne prétendons point avoir ici abordé l’ensemble de la question du Bâdgîr dans ses différentes dimensions, et qu’il demeure d’importantes recherches à effectuer dans ce domaine. Dans tous les cas, cela souligne la nécessité de porter une attention à certaines techniques du passé pour apprendre les initiatives de nos ancêtres et éventuellement les utiliser pour répondre à certains problèmes environnementaux, notamment dans le domaine du développement durable.
Source: www.teheran.ir