Maryam Devolder
Cette histoire est celle d’un roi Sassanide, Khosrow II, appelé aussi Khosrow Parwis, et d’une princesse chrétienne prénommée Shirin. Cette histoire, à laquelle il est fait allusion dans une partie du Shâhnâmeh, fut reprise par Nezâmi, au XIIe siècle, dans le cadre d’une épopée tragique. Ce dernier, qui écrivit ses poèmes romantiques cent ans après le Shâhnâmeh, reprend souvent Ferdowsi même s’il dénonce chez l’auteur du Shâhnâmeh une certaine sécheresse, notamment dans le récit des deux amoureux dont il décide d’améliorer l’histoire.
Le poème de Nezâmi est l’histoire de l’amour et du combat de Khosrow pour conquérir Shirin et la peur de Shirin de se voir abandonnée après avoir répondu aux attentes de Khosrow. La mère de Shirin lui rappelle sans cesse la destinée regrettable de Viss et lui conseille d’éviter la honte et le déshonneur.
Nezâmi raconte aussi les aventures de Khosrow avec une autre femme, son repentir et les longs dialogues entre Khosrow et Shirin où il est fait allusion à l’histoire de Viss et de Râmin. Cela montre que si les gens n’approuvaient pas cette histoire pour des raisons de morale, elle avait quand même marqué des générations successives.
Khosrow Parwiz, descendant de Hormozd IV (579-590) avait dès son jeune âge des qualités exceptionnelles. Courageux, beau, intelligent et puissant, il était particulièrement expert dans le tir à l’arc et la chasse au lion. A l’âge de quatorze ans, il fût confié à un maître nommé Bozorgmehr. C’est dans un rêve que son grand-père Anûshirvan, KhosrowI, lui apprit qu’il allait bientôt rencontrer la femme de sa vie, qu’il aurait un cheval nommé Shabdiz plus rapide que Tûfân, qu’il serait couronné et qu’il trouverait un maître de musique nommé Bârbad, infiniment doué.
Un jour, son ami Shâpûr, lui parla d’une femme qui régnait dans la région de la mer Caspienne appelée Mahin Bânû et qui avait une fille, Shirin, “belle comme un ange”, dont Khosrow tomba aussitôt amoureux. Lors d’un voyage de Shirin en Arménie, Shâpur lui montra le portrait de Khosrow elle tomba à son tour aussitôt amoureuse de lui. Shâpur lui donna une bague de la part de Khosrow et lui conseilla de chevaucher vers Tisfûn pour le rejoindre le plus vite possible.
Prétendant vouloir aller à la chasse, Shirin demanda à sa mère l’autorisation de prendre son cheval Shabdiz, qui courrait à la vitesse du vent. Elle parvint à dépasser ses compagnons de chasse et poursuivit sa chevauchée vers Tisfûn pour retrouver Khosrow. Fatiguée par cette longue route, elle se reposa auprès d’un lac où elle se baigna. Khosrow, resté à la cour de Tisfûn, du faire face à un problème : un roi concurrent, Bahrâm, avait frappé des écus au nom de Khosrow et les distribuait dans tout le pays. Hormoz s’imagina alors que son fils voulait lui arracher le pouvoir à la suite de quoi, le maître de Khosrow lui conseilla de quitter Tisfûn pour quelques temps. Avant de partir, Khosrow donna l’ordre aux gens du harem de partir à la recherche de Shirin et de bien l’accueillir si elle arrivait éventuellement au palais. Il quitta alors Tisfûn pour fuir son père courroucé et chevaucha en direction du lac où Shirin était en train de se baigner. C’est là que les chevaux s’arrêtèrent et que Khosrow aperçut Shirin et son cheval derrière un buisson. Shirin, qui pensait que seul Khosrow pouvait faire naître chez elle de tels sentiments, en vient à douter à la vue de ce cavalier qui n’avait rien d’un prince, ignorant que Khosrow avait été contraint de fuir sous un tel apparat. Elle s’enfuit donc avec sa monture et Khosrow ne parvint pas à la rattraper. Ses yeux se remplirent de larmes et il ne fut désormais qu’habité par un seul espoir : celui de la retrouver.
Khosrow poursuivit son voyage jusqu’en Arménie et Shirin jusqu’à Tisfûn où elle se présenta aux femmes du harem qui la reçuret selon les ordres, bien que préoccupées par la beauté et la grâce de la nouvelle venue.
Apprenant que Khosrow s’était enfui, Shirin devina que cet homme près du lac n’était autre que Khosrow. Ce dernier, à peine arrivé en Armenie, pleura dans le vin auprès de Mahin Bânû la disparition de Shirin.
C’est alors qu’un groupe de notables lui envoya un messager pour lui annoncer la mort de son père et lui demander de prendre la succession. Khosrow revint en toute hâte à Tisfûn où il apprit le départ de Shirin et de Shâpûr pour l’Arménie où, au lieu de retrouver Khosrow, elle retrouva sa mère qui l’accueillit à bras ouverts. Parmi les ennemis de Khosrow, Bahrâm mit la stabilité du trône en danger en accusant Khosrow de folie à cause de son amour pour Shirin. Bahrâm et ses alliés forcèrent alors Khosrow à s’enfuir de nouveau vers l’Arménie. C’est sur la route, dans un pavillon de chasse, que les deux amoureux se rencontrèrent de façon fortuite. La mère de Shirin lui conseilla de ne pas se laisser aller à ses sentiments et d’exiger de Khosrow qu’il l’épousa pour éviter le destin tragique de Viss. Shirin suivit les conseils de sa mère et repoussa avec adresse les élans amoureux de Khosrow qui déçu et fâché, prit la route d’Istambul avec le cheval de Shirin. Il y épousa Maryam, fille de l’empereur de Byzance et réussit avec l’aide de son armée à venir à bout de ses ennemis et à repousser Bahrâm qui s’enfuit en Chine. C’est alors que Khosrow commença de nouveau à penser à Shirin et rechercha l’oubli dans les festivités de la cour et la musique envoûtante de Bârbad. Mahin Bânû mourut après avoir encore conseillé à sa fille de rester ferme devant Khosrow et lui laissa le trône d’Arménie en héritage.
C’est ici qu’apparaît un nouveau personnage, Farhâd, tailleur de pierres réputé pour ses travaux extraordinaires. Khosrow fut vite mis au courant de l’amour de Farhâd pour Shirin et décida de se débarrasser de ce concurrent en lui offrant de l’or, des pierres précieuses et en lui confiant des travaux infinis qui l’éloignèrent de la cour de Shirin. Après un long dialogue entre les deux prétendants, Khosrow obligea Farhâd à creuser une route dans la montagne de Bisetûn pour permettre le passage des caravanes de commerce. Farhâd accepta à condition que Khosrow, une fois le travail terminé, renonce définitivement à cet amour. Pendant ce temps, Shirin apportait de temps en temps à Farhâd, un bol de lait pour lui redonner des forces. Un jour, son cheval, épuisé par la charge de pierres précieuses qu’il transportait, mourut dans la montagne. Farhâd porta alors le cheval et la cavalière sur son dos jusqu’au château. Khosrow qui apprit cette aventure et qui vit que les travaux de Farhâd étaient en train de parvenir à leur fin, comprit qu’il était sur le point de perdre Shirin. Il envoya donc un messager qui annonça à Farhâd la mort de Shirin. Ne pouvant supporter cette perte, Farhâd se jeta aussitôt du haut de la montagne et mourut sur le coup. Par la suite, la femme de Khosrow décéda également et Khosrow épousa une jeune fille d’Ispahân, Shokr, réputée pour sa beauté et sa pureté. Néanmoins, Khosrow ne parvenait pas à oublier Shirin qui représentait pour lui l’esprit, alors que sa femme était pour lui matière. Il décida donc d’épouser Shirin après une réconciliation à la suite de dialogues musicaux entre deux chanteurs qui représentaient les deux amoureux. Le mariage fut somptueux mais leur bonheur ne fut que de courte durée car le fils de Khosrow et de Maryam tomba amoureux de Shirin lors des cérémonies nuptiales et assassina son père pendant son sommeil. Désemparée, Shirin se suicida sur la tombe de Khosrow auprès de laquelle elle fut inhumée.
Source: www.teheran.ir