C’est l’avis de Pierre Defraigne, économiste, spécialiste des questions européennes et directeur exécutif du Centre Madariaga-Collège d’Europe. Le mercredi 8 août, il était l’invité de Le Plus de Matin Première, sur la chaîne de télévision belge RTBF. Interrogé sur le retour des sanctions économiques imposées à l’Iran suite au retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, ils dénoncent des sanctions commerciales vis-à-vis de l’Iran jugées illégitimes par rapport au droit, mais aussi un acte d’opportunisme dont le seul but est de servir les intérêts politiques américains, face non seulement au géant chinois, mais aussi face à l’allié européen.
A titre d’exemple, après la signature de l’accord, les exportations de la Belgique en direction de l’Iran ont augmenté de 20% en un an, une fois le marché ouvert en 2016 et profitant de la levée des sanctions.
Avec la décision de Donald Trump, tout a basculé. Il annonce même qu’elles seront renforcées en novembre prochain et toucheront cette fois-ci plus spécifiquement le pétrole. Pierre Defraigne dénonce lui « une politique opportuniste ». « On utilise le commerce pour régler un problème géopolitique, c’est un acte d’hostilité vis-à-vis de l’Iran, en rupture avec un accord qui avait reçu l’aval des Nations unies. ». Il parle même d’un « acte de guerre vis-à-vis du peuple iranien ».
Il pointe également un problème juridique, « Ce n’est pas fondé en droit puisque le contexte multilatéral exclut la possibilité pour les Américains de faire ce qu’ils font ». Et derrière l’Iran, l’expert voit une autre ombre, qui inquiète bien plus les Américains, « Le fond de la politique américaine aujourd’hui est de contenir la Chine, qui est le problème numéro 1 des États-Unis ».
Il évoque également le véritable « chantage » exercé sur les entreprises européennes, comme le Français Total, très impliqué dans un vaste projet gazier, le projet South Parth et qui a du faire marche arrière et se retirer complètement d’Iran, « Pour la plupart des entreprises, qui ont des intérêts aux États-Unis, le choix est vite fait ».
L’Europe doit-elle se rapprocher de la Chine pour contrer les USA?
L’Europe, malgré la volonté de maintenir l’accord nucléaire et son opposition à la décision américaine, tente de trouver une parade à la décision unilatérale américaine, la commission a « imaginé une parade juridique qui est de remettre en vigueur une loi qui n’a jamais servi, la loi de blocage ». Elle permet aux entreprises une relatives sécurité juridique. Mais pour Pierre Defraigne, « c’est un paratonnerre dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est plus virtuel que réel ».
Alors que faire ? L’expert suggère une piste, un rapprochement de l’Europe avec la Chine. « Nous avons en commun le souci de l’accès aux marchés tels qu’ils sont ouverts aujourd’hui ». Seulement, sur ce sujet, Chinois et Européens ont du mal à s’entendre, « La Chine a un souci légitime de garder une politique industrielle qui donne un avantage à ses entreprises aux dépens des entreprises de pays tiers ».
La situation se résume donc pour lui à un « nœud très complexe qui a des aspects géopolitiques, des aspects commerciaux, des aspects opportunistes et des aspects de traîne de long terme, représentatif de la complexité du monde de l’interdépendance que nous vivons ».
Fodasun
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