Rohani à l’ONU, “si c’est la paix que vous cherchez, vous n’aurez pas de meilleur ami que l’Iran”

Hassan Rohani, président de la République Islamique d’Iran s’est exprimé dans la soirée mardi 25 septembre 2018 à la tribune de la 73e assemblée générale des Nations Unies. Il a notamment invité les Etats-Unis et leur président, Donald Trump, à “revenir à la table de négociations que vous avez quitté”. “Si vous n’aimez pas le Plan global d’action commun, parce que c’est l’héritage de vos rivaux politiques nationaux, alors nous vous invitons à revenir à la résolution du Conseil de sécurité et à revenir dans les instances internationales au lieu de menacer d’autres pays”, a lancé le président iranien à l’assemblée, en faisant allusion au prédécesseur de Trump, Barack Obama.

Le texte intégral du discours du président Rouhani:

Madame la Présidente,

Je saisis cette occasion pour féliciter votre élection à la présidence de la 73ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Nous sommes réunis ici aujourd’hui alors que le monde souffre de l’insouciance et du mépris de certains États à l’égard des valeurs et des institutions internationales. Le message de notre présence ici est que la préservation des intérêts et de la sécurité dans le monde de la manière la moins coûteuse possible est uniquement possible grâce à la coopération et à la coordination entre les pays. Cependant, il est regrettable que certains dirigeants du monde pensent qu’ils peuvent mieux défendre leurs intérêts – ou au moins à court terme, influencer l’opinion publique et obtenir le soutien des peuples- et cela en battant le tambour du nationalisme extrémiste et du racisme, ou encore de la xénophobie, les tendances qui ressemblent à l’idéologie nazi. A cette fin ils bafouent des règles internationales et fragilisent des institutions internationales, en faisant recours à des actes absurdes et anormaux, tels que la convocation des réunions spectacles au Conseil de sécurité.

Cette illusion selon laquelle l’on peut obtenir plus de paix et de sécurité au détriment de la paix et de la sécurité des autres doit être écartée une fois pour toutes.

Nous ne devrions pas laisser de marge de manœuvre pour ceux incitent à la haine et à la rancune en dressant des mises en scènes d’insécurité.

La confrontation au multilatéralisme n’est pas un point fort, c’est plutôt un symptôme de la faiblesse et la manque de l’intelligence – elle traduit une incapacité à comprendre un monde complexe et multipolaire.

Dans de telles circonstances, la négligence ou l’inefficacité des institutions internationales peut mettre en danger la paix mondiale. Ceux qui cherchent la domination et l’hégémonie sont des ennemis de la paix et des auteurs de la guerre.

Le gouvernement des États-Unis – au moins l’administration actuelle – semble déterminé à rendre toutes les institutions internationales inefficaces. Ce gouvernement, s’étant retiré d’un accord multilatéral adopté par le Conseil de sécurité, et violant des règles et normes du droit international, invite la République islamique d’Iran à des pourparlers bilatéraux. Cette administration qui invite l’Iran à engager des pourparlers n’est pas d’ailleurs prête à consulter ses propres experts ni à jouer son rôle en tant qu’un Etat et ignore ses responsabilité primordiales dont le principe primordial de continuité de la responsabilité de l’État et viole ainsi ouvertement les obligations de son prédécesseur sur fond des rivalités.

Sur quelle base et selon quels critères pouvons-nous conclure un accord avec une administration qui se comporte si maladroitement et si mal? Toute discussion doit se dérouler dans le cadre et dans la continuité de la résolution 2231 du PGCA et du Conseil de sécurité, et non à des fins qui déshonore ce document et qui nous ramène au point de départ. Il est ironique que l’administration américaine ne cache même pas son projet de renverser le même gouvernement qu’il invite à des pourparlers!

L’approche de la République islamique d’Iran dans le domaine de la politique étrangère repose sur le multilatéralisme et le respect des principes reconnus du droit international. Notre respect à l’égard du Traité de non-prolifération et nos longues et difficiles négociations avec le Groupe 5 + 1, qui a conduit à l’accord nucléaire illustre clairement cette approche.

Nous sommes heureux que la communauté internationale n’ait pas approuvé le retrait unilatéral et illégal du gouvernement américain du PAGC et qu’elle a adopté une position catégorique envers ce geste. Le PAGC est le fruit de plus d’une décennie d’efforts diplomatiques et de négociations intensives pour résoudre une crise non-nécessaire et artificielle. Ce document a été approuvé à l’unanimité par la résolution 2231 du Conseil de sécurité.

Selon cette résolution, tous les pays et organisations internationales et régionales ont été invités à soutenir la mise en œuvre du PAGC et à s’abstenir de toute action susceptible de compromettre la mise en œuvre des engagements évoqués dans le document.

12 rapports consécutifs de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, attestent que l’Iran a jusqu’à présent respecté pleinement tous ses engagements. Cependant, les États-Unis, depuis le tout début, ne sont jamais restés fidèles à leurs obligations et on a vu que l’administration actuelle, ayant recours à de légères excuses et en violation flagrante de ses engagements, a fini par se retirer de l’accord. L’Organisation des Nations Unies ne devrait pas permettre que ses décisions soient victimes des désidératas de certains pays et au service de leurs campagnes électorales dans leurs rivalités politiques internes. L’ONU ne doit permettre à aucun État membre de prendre en otage l’exécution de ses engagements internationaux.

Ce n’est pas tout! les États-Unis font également pression sur d’autres pays pour qu’ils violent l’accord nucléaire. Et plus dangereux encore, ils menacent de punir tous les pays et organisations internationales s’ils respectent la résolution 2231 du Conseil de sécurité. Ils sont allés jusqu’à menacer les juristes avec des sanctions. Ceci n’est pas spécifique au PAGC. On a également vu ce modèle de répression être appliqué par les Américains à la Cour pénale internationale.

Nous apprécions les efforts déployés par la communauté internationale, l’Union européenne, la Russie et la Chine à soutenir la mise en œuvre du PAGC et nous considérons que le respect entier des engagements énoncés dans l’accord garantirait la survie de cette importante réalisation de la diplomatie.

Mesdames et Messieurs,

Les sanctions unilatérales illégales constituent en elles-mêmes une forme de terrorisme économique et une violation du ‘droit au développement’. La guerre économique initiée par les États-Unis sous forme de nouvelles sanctions ne concerne pas seulement le peuple iranien. Ses répercussions néfastes affecteront également la population d’autres pays. Cette guerre a déjà déstabilisé le commerce mondial. Le peuple iranien a démontré sa résilience inébranlable au cours des quarante dernières années, malgré les difficultés et les contraintes causées par les sanctions, et a montré qu’il pouvait également surmonter cette phase difficile. L’histoire pluriannuelle de notre pays montre que l’Iran et les Iraniens ne se sont jamais brisés ni pliés dans les moments difficiles. Je déclare ici, en termes clairs et sans ambiguïté, que la politique des États-Unis vis-à-vis de la République islamique d’Iran a été erronée depuis le début et que leur approche consistant à résister aux aspirations du peuple iranien affichée lors de nombreuses élections est vouée à l’échec. L’Iran, avec sa longévité historique et civilisationnelle, son riche héritage culturel et sa position géopolitique de premier plan, est une réalité indéniable. La politique de principe de l’Iran basé sur l’engagement et la coopération a produit des résultats positifs pour d’autres pays, comme le montre la coopération de l’Iran avec les pays amis dans la lutte contre le terrorisme. La lecture des États-Unis des relations internationales est autoritaire. Leur lecture du pouvoir est basée sur l’arrogance et le langage de force. Cette approche est illégale et illégitime. Aucun État ni nation ne peut être amené à la table des négociations par la force et, si tel est le cas, ce qui suit est l’accumulation dans les «grappes de colère» de ces nations, qui seront ensuite récoltées par les oppresseurs. Nous aussi, nous partageons cette idée qu’il n’y a pas de meilleur moyen que le dialogue. Toutefois, le dialogue est réciproque. Il doit être fondé sur l’égalité, la justice et l’intégrité et l’honneur de l’homme, et être mené conformément aux règles et normes du droit international. La résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas un « morceau de papier ». Nous vous invitons à revenir dans cette résolution du Conseil. Nous vous invitons à revenir à la table des négociations que vous avez quittée. Si vous n’aimez pas le PAGC parce que c’est l’héritage de vos rivaux politiques à l’intérieur de votre pays, alors nous vous invitons à revenir à une résolution adoptée par le Conseil de sécurité. Nous vous invitons à rester dans les institutions internationales. Ne vous engagez pas à imposer des sanctions. Les sanctions et l’extrémisme sont les deux faces d’une même pièce : l’extrémisme implique la négation de la pensée des autres, et les sanctions nient la vie et la prospérité des personnes. Pour que le dialogue ait lieu, il n’y a pas besoin de photo de souvenir. Les deux parties peuvent s’écouter ici même depuis cette Assemblée. Je commence le dialogue ici et j’affirme, en termes non équivoques, que la question de la sécurité internationale n’est pas un jouet dans la main de la politique intérieure américaine. Les Nations Unies ne font pas partie de l’administration des États-Unis. Le dialogue peut être repris dans cette Assemblée du même point et par la même personne qui a quitté la table de dialogue, et s’est éloigné de l’accord. Commencer le dialogue commence par mettre fin aux menaces et aux sanctions injustes qui nient les principes même de l’éthique et du droit international. Si c’est pas paix que vous cherchez, vous n’aurez pas de meilleur ami que l’Iran.

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