Le message, laconique, est tombé ce lundi 25 février, en fin de journée. Sur son compte Instagram, est réseau social très prisé des Iraniens, Javad Zarif annonçait brutalement qu’il quittait son poste de ministre des Affaires étrangères qu’il exerce depuis 2013 et l’élection du président Rohani, et dont l’action a été marquée notamment par la signature de l’accord sur le nucléaire en 2015. Ce après une carrière déjà longue de diplomate où il s’était déjà illustré comme un des visages de l’Iran en tant ambassadeur à l’ONU de 2002 à 2007. La nouvelle a déclenché une onde de choc dans le pays.
“Je m’excuse de ne plus être capable de continuer à mon poste et pour tous mes manquements dans l’exercice de mes fonctions”, expliquait Zarif aux Iraniens.
Très vite, les personnalités iraniennes politiques, religieuses et militaires ont n’ont pas manqué de réagir dans les médias et sur les réseaux sociaux où le sujet a monopolisé l’attention depuis lundi aussi bien en Iran et que dans le monde, tellement Zarif aura marqué l’expression de l’Iran à l’international durant ses dernières années. Comme cela a été le cas encore le 17 février dernier où lors de la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, qui rassemble le Ghota du monde diplomatique et stratégique chaque année dans la capitale allemande, où il avait résumé dans la un large sourire sa pensée sur les Européens qui voudraient selon lui “nager sans se mouiller” pour préserver l’accord avec l’Iran, qui lient toujours les deux entités malgré le retrait des Américains.
Très vite, le président Hassan Rohani a fait savoir qu’il s’opposait à la démission de son ministre. C’est par son compte Instagram, lui aussi, qu’il a expliqué, “Je pense que votre démission va à l’encontre de l’intérêt du pays et je ne l’approuve pas”. Il a ajouté, “J’apprécie vos efforts incessants et votre engagement et je considère que, comme l’a dit [de vous] le guide [suprême, Ali Khamenei], vous êtes ‘digne de confiance, courageux et pieux’, et à la pointe de la résistance contre la pression totale exercée par les Etats-Unis. J’ai parfaitement conscience des pressions exercées sur l’appareil diplomatique du pays, le gouvernement et même le président élu par le peuple. Aussi, comme cela a été ordonné à plusieurs reprises, tous les organes – cela inclut le gouvernement et les organismes d’Etat – doivent agir en totale coordination avec [votre] ministère pour ce qui est des relations internationales”.
Soutien du Guide et du Général Soleimani
Autre voix forte celle du général Gassem Soleimani, commandant de la force al-Qods et responsable des opérations militaires à l’extérieur de l’Iran qui s’est lui aussi adressé à Zarif via l’agence de presse Fars News, proche des Gardiens de la Révolution, “M. Zarif est chargé de la politique étrangère de la république islamique, et il a toujours été soutenu par les principaux responsables”, ajoutant qu’il avait “le soutien du guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei”.
Une polémique était née par la concomitance entre l’absence de Zarif durant la visite du président syrien Bachar al-Assad lundi et l’annonce de Zarif. D’autant que ce dernier, alors que le président Assad était reçu par le Guide Suprême et le président Rohani, rencontrait lui les activistes américains pacifistes de Code Pink. Le message de Soleimani remettait donc les choses en place en éliminant toute ambiguité à ce niveau.
“Modeste serviteur”
Il convient d’ajouter, en plus de ce soutien implicite de la plus haute autorité iranienne et du général Soleimani, celui de la grande majorité des parlementaires iraniens, y compris des plus conservateurs, et celui des élites et des grands médias iraniens. Zarif et d’ ailleurs une des deux personnalités préférées des Iraniens, selon une étude américaine menée par l’institut IPOS (Information and Public Solutions LLC menée en mars 2016, à 76%) et jouit d’une réelle popularité dans le pays, malgré les difficultés économiques liées aux sanctions américaines, de retour en Iran après la sortie de l’accord sur le nucléaire, accord pour le quel le ministre des Affaires étrangères iranien n’a pas ménagé ses efforts. Il est évident que le départ de Zarif aurait été interprété comme une victoire par l’administration US.
Ce mercredi 27 février, l’affaire semblait close puisque Zarif était bien présent, aux côtés du président Rohani, pour accueillir Nikol Pachinian, Premier ministre de l’Arménie en visite officielle en Iran pour deux jours.
Juste avant, dans un nouveau message toujours posté sur Instagram, Javad Zarif remerciait la nation iranienne pour son soutien, il a indiqué, “En tant que modeste serviteur je n’ai aucun autre souci que de travailler à notre politique étrangère et la crédibilité du ministère, en tant que personne en charge de la diplomatie et des la protection des intérêts du peuple iranien et de ses droits sur la scène internationale”.
Fodasun